XLIII.
Mélanie ouvrit les yeux, un décor familier et chaleureux l’accueillit, les draps étaient moelleux et le soleil entrait à plein rayon dans la chambre, tout était calme.
La fillette se releva et à pied nus marcha jusqu’à la fenêtre : le ciel était bleu, la mine aux couleurs orangées et rouges illuminait le paysage.
Tout était parfait, Mélanie se sentait merveilleusement bien, le fait de s’être réveillée dans son lit en fin d’après-midi ne l’avait même pas étonnée, elle semblait vouloir profiter du moment, sans se poser de questions. Elle décida de s’habiller et de descendre au rez-de-chaussée.
Un calme étrange régnait dans la demeure, mais l’enfant ne s’en inquiéta pas, le beau temps était souvent synonyme de travaux extérieurs en tous genre.
Une fois en bas du grand escalier Mélanie s’arrêta, la lumière inondait la pièce, lentement la fillette ferma les yeux et profita de la chaleur durant quelques minutes.
« Je me sens bien, si bien » Se dit-elle.
Soudain une pensée lui traversa l’esprit.
« Je veux danser! » Pensa-t-elle.
Cette idée la fit rire, sans plus attendre elle traversa le hall, passa une multitude couloirs et arriva bien vite à l’énorme pièce.
D’une clarté sans pareille, de part ses énormes baies vitrées, la salle semblait l’accueillir et l’inviter à la fête. Le silence inondait la pièce, mais Mélanie n’y prêta aucune attention. Elle voulait danser.
« Un, deux, trois, un deux, trois. »,
« Oui c’est cela, papa, m’a appris à danser cela »
« Un deux, trois, un deux trois »
« Comment cela s’appelle-t-il déjà ? »
« Une… »
« Un deux trois, un deux trois »
« Une…valse »
A ce mot, Mélanie se sentit envahie par le rythme, du silence naquit un air, à la fois sombre et déchirant. La fillette remarqua qu’il sentait sortit de l’orgue.
« Un deux trois, un deux, trois… »
Les pieds de l’enfant se mirent à bouger, Mélanie releva le pan gauche de sa robe et tendit le bras droit vers un partenaire invisible.
« Oui valser…valser ! »
L’enfant rejeta sa tête en arrière et tout en riant se mit à tournoyer sur le rythme.
« Encore, encore ! Plus fort, jouez plus fort »
La musique se fit plus présente, le son se déversa dans la pièce tel un torrent.
Mélanie tournait de plus en plus vite.
« Que le soleil brille plus, qu’il transforme cette salle en or » Ordonna-t-elle.
« Ta-la-ta-la-lalala »
Mélanie fredonnait à présent l’air sortant de l’orgue et ne se rendit pas compte que la luminosité de la pièce venait de doubler… La pièce rayonnait, le moindre objet reflétait les rayons du soleil. Mélanie baignait dans l’or.
Malgré la puissance de la musique la fillette entendit un merveilleux et doux tintement.
Son envie de danser semblait inépuisable, cependant en entendant ce bruit semblable à la résonnance du cristal Mélanie s’arrêta. Un seul regard sur l’orgue fit taire celui-ci.
Sans même y poser les yeux Mélanie dirigea instinctivement sa main droite vers son cou.
Qu’avons-nous là ? Se demanda-t-elle.
La lumière irréelle de la pièce faisait intensément luire le joyau bleuté.
Sans un mot Mélanie dirigea son regard vers la fenêtre et en un instant la lumière redevint normale.
Le tintement semblait se faire plus fort, la fillette enleva le médaillon, prit celui-ci dans ses mains et s’assit dans un des larges et profonds sofas de la pièce.
« Que c’est beau. » Souffla la fillette.
« Papa a du me l’offrir. Mais quand, pourquoi ? » Soudain l’enfant sembla réaliser que ces derniers moments passés au manoir n’avaient rien de très normal : le réveil, cette lumière étrange, ce cale, et la danse, cette danse magique, hypnotique. Mélanie releva la tête, regarda l’orgue, puis la fenêtre. Enfin elle réalisa. L’orgue n’avait attiré personne, le vacarme assourdissant, la musique, son rire…aucun de ses éléments n’avaient attiré de domestiques. Et puis il y avait eu la lumière….
Mélanie se releva.
« Je dois savoir…. » Murmura-t’elle en rattachant le médaillon.
En courant elle quitta la pièce. Une excitation malsaine emplit son cœur. En passant devant le bureau de son père, elle entendit résonner deux voix.
Je ne suis donc pas seule, c’est déjà cela.
Soudain elle percuta un obstacle.
Mademoiselle Mélanie, en voila des manières, courir dans les couloirs, avez-vous perdu l’esprit ?
Sally regardait sa petite maîtresse.
Oh Sally, douce Sally pardonne-moi, je…Je dois vérifier quelque chose. Tout en parlant Mélanie observait sa gouvernante…quelque chose n’allait pas. Sally d’habitude si douce, si souriante lançait sur la fillette un regard plein d’appréhension, ses bras si prompts à s’ouvrir restaient désespérément clos en un geste de retenue froid et sec.
Sally avait peur.
« Je , je dois y aller Sally ». Mélanie se remit à courir… Derrière elle, elle entendit sa gouvernante soupirer.
« Mademoiselle ! Mademoiselle ! » Appelait Sally d’une voix profonde et triste.
Mélanie se retourna.
« Oui ? »
Les yeux de Sally regardaient à présent le sol.
« Puis-je vous accompagner ? » Demanda-t-elle.
La fillette, au milieu du couloir toisa sa gouvernante.
« Je, je veux vérifier quelque chose, je ne sais pas si c’est une bonne idée…. »
Mais Mélanie, pourtant bien décidée, s’avoua à elle-même sa propre peur.
« Je ne veux pas faire cela seule » Pensa-t-elle.
« Suis-moi Sally ! »
Durant quelques secondes la gouvernante ferma les yeux.
« Par pitié mon dieu, ne m’obligez pas à subir cela une fois de plus ». Se dit-elle. Ensuite elle prit une profonde inspiration et suivi Mélanie.
Après quelques minutes Mélanie traversa le majestueux corridor qui séparait l’entrée, le hall principal et la salle d’attente du reste de la demeure. Ce corridor était orné de portraits et Henry avait récemment promos à sa fille d’en placer un à son effigie.
Mais le couloir n’avait que peu d’attraits pour Mélanie aujourd’hui, ce qui l’intéressait était la salle d’attente.
Cette salle octogonale avait été spécialement conçue afin de faire patienter les invités. En effets il n’était pas rare de recevoir au manoir une dizaine de personnes par jours : ouvriers désireux de parler au maître Ravenswood, nouveaux habitants venus se présentés, amies de Martha, nouveau domestiques…. Le hall d’entrée, bien que magnifique, ne donnait pas la possibilité de s’asseoir, Henry avait donc décidé de créer une pièce annexe où les gens pourraient attendre de manière confortable.
Mélanie se souvint à cet instant que son père lui avait également promis de dédier cette pièce à sa seule personne.
« Nous ferons placer de gigantesques tableaux te représentant mon ange. Le symbole de ma réussite. »
« Papa m’aime trop… » Soupira-telle.
« Mademoiselle, puis-je savoir ce que nous faisons là ? »
Mélanie sortit de ses pensées. Elle regarda les portes de la salle et lentement les fit coulisser.
Es-tu certaine de vouloir venir Sally ? Demanda Mélanie.
Les yeux de la jeune femme se mirent à briller. Sally eut un mouvement de recul.
« Je vous en prie mon dieu…. « Pensa-t-elle.
« Mademoiselle Mélanie veuillez arrêtez vos enfantillages ! » Grommela-t-elle.
Sans un mot la gouvernante et l’enfant entrèrent dans la pièce, il y faisait sombre, seuls quelques chandeliers brillaient.
« Puis-je savoir ce que nous faisons ici ? »
Mélanie ne répondit pas, toute son excitation disparaissait, tout redevenait calme et limpide…
« Bien, je me sens bien…. La maison, la maison est à moi…Tout m’obéit et m’aime….
Murs, murs…..allongez-vous, sur mon ordre transformez-vous, pliez sous mon ordre, que ma volonté soit faite ! ».
Mélanie n’avait pas prononcé un seul mot, Sally à se côtés trépignait nerveusement.
Au bout de quelques minutes la gouvernante rompit le silence.
« Mademoiselle ça suffit. »
Mélanie soupira…rien, rien ne s’était passé.
« Allons venez » Dit Sally en sortant de la pièce.
Mais dés que Sally passa la porte, celle-ci se referma enfermant Mélanie.
Celle-ci ne bougea pas.
« Oh mon dieu ! Mademoiselle, Mademoiselle ! Que faites-vous, la porte est fermée, je vous en prie ouvrez-moi ! »
« Ça y est…ça marche » murmura Mélanie en souriant.
Lentement la pièce s’allongea, le papier peint se prolongea, le plafond s’éloigna de plus en plus. La pièce se modifiait.
« Je le savais. » Dit Mélanie.
"Mademoiselle !!!"
« Oh Sally tu devrais voir cela, la pièce, la pièce est magnifique » Dit-elle en riant.
« Ça recommence, je n’en peux plus…JE N’EN PEUX PLUS ! » Sally s’était mise à hurler.
« MADEMOISELLE !!! »
« Si je reste ici je vais finir par perdre la raison…Je…Je dois partir…Je…Je veux partir. Elle elle s’en sortira, elle est forte. Sally recula, les yeux sur la porte.
« Je dois partir…je.. pars. ».
A l’intérieur de la salle d’attente, Mélanie exaltait.
C’est…magnifique. Cependant quelque chose gênait la fillette, un sentiment de manque se faisait sentir sans que Mélanie pu identifier sa cause. Doucement elle serra le médaillon.
« Redeviens normale » Souffla Mélanie.
Sans un bruit la pièce repris sa forme initiale.
Mélanie décida de sortir quelques instants, elle passa le hall d’entrée et s’assit sur les marches du perron. Une silhouette se détachait deu paysage, une jeune femme portait une valise et se dirigeait à pas rapide vers la route. Mélanie reconnut Sally.
« Sally ! « Hurla-t-elle. Mais la gouvernante ne se retourna pas.
« C’est ma faute, je, je dois éviter de parler de tout cela. C’est drôle, hier je n’étais rien, j’étais normale, et aujourd’hui, je me sens…neuve ! Une nouvelle vie. Personne ne doit rien savoir. »
Mélanie observa la silhouette de Sally s’éloigner, puis décida de chercher ses parents.