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 "Bloody Rose"

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MessageSujet: Re: "Bloody Rose"   "Bloody Rose" - Page 3 EmptyMar 25 Oct 2005 - 11:46

Chapitre XIV


Un silence paisible environnait à présent l’hôtel, à peine perturbait quelques instants auparavant encore par le ruissellement de la pluie. Une telle tranquillité était plus que jamais la bienvenue après le terrible orage, la foudre et l’incendie qui avaient détruit une partie du Cowboy Cookout Barbecue. A présent chacun, dormait en attendant le jour. Henry King avait prévu de tourner encore quelques scènes extérieures dans les décors naturels de la mine, avant de franchir les grilles du sanctuaire de Thunder Mesa, Ravenswood Manor. Non pour y tourner des scènes d’intérieur, puisque cela lui était interdit, mais pour les jardins. Les fabuleux jardins que le script décrivait comme enchanteurs du temps de la splendeur des Ravenswood et qui n’étaient plus qu’abandon portant, selon la légende « le parfum des roses mortes ». Ils seraient parfaits pour de longs travellings en steadycam, plans aériens et contre-plongée à la Welles. Montrer les jardins après la déchéance, s’en servir pour montrer les effets du temps qui passent.

Le cinéaste comptait filmer une statue qui se couvrirait lentement de neige, laquelle fondrait ensuite et finirait par découvrir la pierre nue couverte de mousse et de lichen, creusée par endroits de fines rainures causées par le passage du temps, brisée peut-être par endroit, polie et usée. Cette idée lui plaisait et il avait hâte de faire les prises de vue nécessaires. Son autre projet concernant les jardins avait pour nom « opération Gazebo » et pour objet une charmante gloriette. Certainement en ruine elle aussi, il comptait la faire photographier sous tous les angles afin d’en obtenir une copie en studio servant aux scènes fastes de la destinée du manoir. « La splendeur des Ravenswood », expression qu’il s’était plu à évoquer plusieurs fois, pestant de ne pouvoir l’utiliser en sous-titre de « Bloody Rose » pour la première partie du long métrage, répétant « mais pourquoi cet imbécile d’Orson Welles a-t-il appelé l’un de ses films « La Splendeur des Amberson » ? Il ne faisait cependant pas cette remarque devant Rita puisque Orson était son ex mari, avant le Prince. Mais l’appréhension des jardins du manoir n’était pas encore pour demain. Il y avait déjà bien des choses à faire avant de boucler les scènes de la mine. Il fallait déblayer le Cowboy Cookout, récupérer les chambres qui pouvaient être habitables pour désengorger le Silverspur où bien trop de monde était entassé.

Enroulée dans les couvertures, Rosetta dormait paisiblement sans se douter que Tyrone était parti depuis maintenant deux heures. Il savait quitter le lit avec précaution et ne pas la réveiller à moins de le vouloir. Ce furent les pleurs de Dallas qui la firent revenir du pays des songes dans un gémissement étouffé. Elle ouvrit des paupières encore lourdes de sommeil et laissa aller instinctivement sa main sur le matelas, à la place occupée par Tyrone, pour voir s’il dormait ou bien si les pleurs l’avaient réveillé aussi. Elle constata alors qu’il était parti. Rosetta ne s’occupa alors que de son bébé qui pleurait toujours et de plus en plus fort. Il n’y avait pas à chercher Tyrone, il reviendrait. Il n’avait pas disparu et il pouvait même y avoir plusieurs raisons à son absence. Il pouvait s’être rendu aux toilettes à l’autre bout du couloir, il pouvait être allé fumer en bas si par hasard le sommeil ne venait pas… et il pouvait être avec Rita. Non, pas cette fois, corrigea mentalement la jeune femme. « Rita a du partager sa chambre avec une maquilleuse ou je ne sais plus qui. Il n’irait pas alors qu’elle n’est pas seule. » Elle changea les couches de Dallas et se remit au lit ; mais ne s’endormit pas. Elle attendait qu’il revienne. Elle s’étonna lorsqu’elle entendit frapper à la porte. Il n’aurait jamais fait cela. Emmitouflée dans un châle, elle se leva, pencha l’oreille contre le panneau de bois et demanda ce que l’on voulait. C’était Helen.

La promenade sur le balcon circulaire était finie depuis longtemps pour la jeune fille. Elle était rentrée une fois que son patron eut disparu de son regard dans les jardins de Ravenswood Manor. Elle était alors rentrée se coucher en pestant contre lui et surtout contre Rita, et n’avait pas s’endormir. Elle songeait à Mrs Power qui connaissait leur liaison et ne disait rien. Elle aurait voulu aller à l’encontre des ordres du patron, aller dire à sa femme qu’il était parti dans cet horrible manoir, mais elle ne voulait pas non plus la réveiller. Peut-être serait-il de retour assez tôt pour qu’elle ne se rende compte de rien ? Les pleurs de Dallas lui firent comprendre que Rosetta était réveillée. Elle savait donc que son mari était parti. Elle venait donc la voir, tenant une lampe torche afin d’épargner à Dallas le désagrément de devoir allumer la lumière.
- Helen ? Entrez, asseyez-vous !
- Merci, Madame. Je…
Rosetta remarqua la nervosité de la jeune fille.
- Mais que se passe-t-il ? Thomas et Ty IV dorment-ils ?
- Oh oui, ne vous inquiétez pas ! Je… Je voulais seulement… On dit que cette chambre a une belle vue sur le manoir ! Puis-je regarder ?
- Euh, oui…
Rosetta était surprise, le comportement de Helen était des plus étranges. Elle commençait à s’affoler.
- Vous savez que Tyrone est parti, n’est-ce pas ?
Helen dut l’admettre.
- Où est-il ? Vous le savez ? Vous êtes bien venue ici pour me le dire, n’est-ce pas ?
- Il… C’est… En vérité, j’ai seulement entendu Rita dire qu’elle voulait voir le manoir de près et je l’ai vu se diriger vers les grilles, les ouvrir et pénétrer dans les jardins…
Rosetta comprit alors. Helen, quant à elle, avait su lui faire comprendre sans lui dire, elle n’avait donc pas contrevenu à la volonté de son patron.

Une fois Dallas confié à Helen, Rosetta s’habilla à la hâte.
- Je dois aller le chercher ! Cette demeure n’est pas sûre, un plancher, un plafond pourraient s’écrouler, que sais-je encore ?
Réprimant ses larmes, elle ferma la porte à double tour derrière elle et tendit la clé à la nounou. Cette dernière avait voulu qu’elle sache, mais maintenant elle doutait d’avoir eu là une bonne idée. Et si Mrs Power avait un accident ?
- Vous ne pouvez y aller seule ! Cette demeure est dangereuse pour vous aussi ! Faites-vous au moins accompagner !
Avisant un peu plus loin la porte de la chambre de Clark, Rosetta opina. La peur que Tyrone ne tombe dans un trou dans cette maison rongée par les décennies avait été plus forte que la raison. Elle était consciente de se retrouver tremblante de peur, toute seule dans la nuit, par le simple fait d’ouvrir la porte de l’hôtel et de passer la tête hors du battant, vers l’inconnu et l’obscurité. Rosetta avait peur du noir, peur de la nuit et elle ne sortait jamais seule. Elle serait un bien piteux secours si elle ne parvenait même pas à quitter l’hôtel !

Frappant quelques coups légers, Rosetta espérait que Clark ne dormait pas trop lourdement et l’entendrait. Elle attendit un bref instant, nerveuse, tordant ses mains, jusqu’à ce qu’enfin la porte de la chambre s’ouvre.
- Clark, dit-elle alors, j’ai besoin de votre aide…
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MessageSujet: Re: "Bloody Rose"   "Bloody Rose" - Page 3 EmptyMar 25 Oct 2005 - 17:26

Chapitre XV


Le premier mouvement de surprise provoqua un léger décalage entre les deux bouts de la moustache de Clark. Le second la remit à sa place.
- Rosetta ? C’est vous, c’est bien vous ?
Que lui arrivait-il donc pour qu’elle vienne ainsi frapper à sa porte, en pleine nuit ?
- Puis-je entrer, s’il vous plait ?
- Ooh, euh, oui, bien sûr !
Se ressaisissant, il s’écarta de la porte pour la laisser passer. Il lui indiqua un fauteuil tandis qu’il tirait le verrou derrière lui.
- Vous avez vu ? Elle dort, elle dort bien, même ! La lumière est allumée – je ne trouve pas le sommeil par terre sur ce fichu matelas – vous frappez à la porte, je parle, aucune réaction !
L’acteur désignait en riant la maquilleuse qu’on lui avait donné à héberger. Rosetta regardait, en effet, cette jeune femme endormie en boule alors que Clark se promenait dans la pièce, trouvant sans doute peu agréable le matelas que l’on avait apporté pour elle en renfort ; par galanterie, il lui avait laissé le lit et le regrettait peut-être un peu, en particulier son dos.

Un second fauteuil fut approché près de celui de Rosetta et l’acteur s’y assit, jambes croisées, offrant le spectacle d’un Clark Gable en pantoufles. La jeune femme s’attarda sans le vouloir sur un détail, l’initiale brodée sur la robe de chambre, identique à ce qu’elle voyait du pyjama : un C comme Clark qui ressemblait aussi à un G comme Gable. Elle n’arrivait pas à déterminer de laquelle des deux lettres il s’agissait, comme si cela avait quelque importance capitale. Elle se souvint qu’elle n’était pas venue pour cela lorsqu’il demanda :
- Que puis-je pour vous, Rosetta ? Vous avez l’air bouleversée…
Levant les yeux vers lui, elle constata que Clark avait l’air sincèrement inquiet.
- Tyrone est parti, il est allé dans le manoir !
- Quoi ? Allons, Rosetta, vous avez rêvé, sans doute ! Pourquoi Ty irait-il dans le manoir et en pleine nuit, en plus ? Vous êtes sûre qu’il n’est pas dans l’un des salons du bas ? Au bar, peut-être ?
Il n’osa pas suggérer qu’il puisse être dans une chambre quelconque avec une autre femme, mais il y pensait et il trouvait que c’était manquer d’élégance alors que Rosetta était dans le même bâtiment.

Pour toute réponse, Rosetta se mit à pleurer.
- Il a suivi Rita dans le manoir. J’ignore la raison, s’ils ont voulu se retrouver là-bas… s’isoler… ou bien s’il l’a suivie, s’il veut la rejoindre ou la ramener… mais… peut importe ce pourquoi… Le manoir est dangereux, Clark, il ne faut pas les laisser là-bas…
Le sourire de Clark mourut sur ses lèvres. C’était donc vrai, Tyrone avait commis cette folie ? Comment osait-il donner tant de chagrin à une femme si gentille ? Et son inconscience n’était pas seulement en cause : il y était… avec Rita ! Les moustaches de Clark se mirent à frémir d’indignation. Sa Rita ! Non contente d’assortir d’une claque son refus de partager la chambre, elle partait vers ce manoir dangereux pour y réaliser on ne sait quelle lubie ? A celle qui hantait ses nuits, il n’adressait plus seulement que de douces pensées, il avait envie de la gifler et il enviait Glenn Ford qui pouvait le faire si souvent dans les films dont ils partageaient la vedette : il ne faisait jamais semblant et frappait de bon cœur par souci tout professionnel de réalisme. Rita, du reste, en faisait autant, ne lui avait-elle pas cassé deux dents sur le tournage de « Gilda » ? «Mon pauvre Glenn, tu n’as pas la mâchoire solide ! Je sais bien que Rita peut être brute, mais de là à t’endommager ! » Mais ce n’était pas cela qui importait à Clark !

Clark était doublement peiné, pour Rosetta et pour lui ; doublement fâché. Il en voulait à Rita pour la manière désinvolte et moqueuse dont elle le traitait, lui qui avait pour elle des sentiments si forts et qu’il n’éprouvait pour aucune autre femme, ne voulant donner son cœur à aucune autre depuis le décès tragique de son épouse Carole dans un accident d’avion. Il en voulait à Tyrone d’avoir si peu de considération pour Rosetta : était-ce trop lui demander de faire preuve de discrétion dans ses aventures ? Il n’était pas obligé de la tromper impunément presque sous le même toit, ni se rendre dans ce satané manoir alors qu’elle était là ! Clark souriait en regardant la jeune femme, visage enfoui sous ses mains, sanglotant. Elle était l’épouse que tout homme rêvait d’avoir pour qui recherchait la stabilité d’un foyer. Lui-même se demandait « aurais-je été sensible au dévouement que l’on devine en la voyant si Rita ne tournait pas dans mon cœur comme un vautour sur… », alors qu’elle murmurait dans un souffle :
- La vie de Tyrone ne vaut pas une nuit avec Rita dans un manoir…
Effondrée, elle se laissa glisser en avant et vint pleurer sur les genoux de Clark.

Quelque peu gêné et embarrassé d’avoir le visage baigné de larmes de Rosetta Power sur ses genoux, Clark se retrouva pendant quelques instants sans savoir que faire. Elle était recroquevillée comme une enfant et avait passé les bras autour de ses mollets pour rester accrochée. Doucement, il décroisa les jambes, ce serait plus confortable pour elle. Elle avait du sans nul doute se cogner le front à la rotule en s’effondrant ainsi ! Souriant de telles considérations pratiques qu’il ne pouvait s’empêcher de faire, Clark passa doucement la main dans les cheveux de la jeune femme, avec beaucoup de tendresse avant de la relever doucement.
- Allons, ne pleurez pas…
Il se mit à fouiller dans ses poches et finit par trouver un mouchoir qu’il lui tendit.
- Tenez. Il est propre…
Cette dernière remarque fit rire Rosetta tandis qu’elle essuyait ses larmes et s’asseyait à nouveau.
- Pardonnez-moi…
- Il n’y a rien à pardonner. Mouchez-vous, soufflez fort et faites-moi un beau sourire !

Ils se mirent à parler un peu. De Tyrone, de Rita. Dans chacun des mots de Rosetta transperçait comme une évidence l’amour empli d’abnégation qu’elle éprouvait pour son mari. Si Clark avait très souvent envie de se moquer d’elle – « le bac à fleurs », disait Rita – il la respectait profondément pour cela. Rosetta était sincère et dévouée. Il ne doutait pas de sa réponse lorsqu’il lui dit qu’il fallait pardonner à Rita la mauvaise influence qu’elle exerçait sur Tyrone. Elle ne lui en voulait pas. Elle savait par ailleurs que la vie avait été loin d’être tendre avec elle et que l’année précédente encore elle ne l’avait guère ménagée. Mais avant même d’apprendre que Rita cachait un cœur blessé, Rosetta lui avait pardonnée. Elle avait immédiatement choisi de se résigner et de faire preuve de patience en supportant les aventures de son mari, gardant pour elle la souffrance qu’elle ressentait lorsque cela devenait voyant. Si elle voulait le faire revenir à l’hôtel, ce soir, c’était en raison de la dangerosité du manoir. Elle voulait lui éviter un accident et par là même en éviter un à Rita.
- Clark, vous voulez bien m’accompagner ? Toute seule, je ne pourrai pas. J’ai peur…
- Oh oui, je viens !
Clark passa un trench coat sur sa robe de chambre. Au moment où il allait passer la porte, il revint en arrière.
- Je ferai bien de mettre des chaussettes, grogna-t-il, sinon je vais avoir froid au pieds, moi ! Aah, et des chaussures, aussi ! Mes pantoufles seraient fichues !

Quelques instants plus tard, Clark et Rosetta se dirigeaient vers le manoir, éclairant leur pas de la lueur blafarde d’une lampe torche…
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MessageSujet: Re: "Bloody Rose"   "Bloody Rose" - Page 3 EmptyJeu 27 Oct 2005 - 0:05

Chapitre XVI


Le couple insolite et inédit formé par Rosetta et Clark pour venir en aide aux imprudents offrait un contraste saisissant avec l’austérité du manoir. Clark portait à la fois pyjama et robe de chambre avec manteau, chaussette et souliers. Rosetta, quant à elle, était habillée mais son visage angélique devint pâle et inquiet en découvrant, à la lueur de la lampe torche de l’acteur, le démon grimaçant de la plaque de cuivre qui ornait les grilles épaisses. Il défendait la demeure sous la devise « Non omnis moriar », ces mots que Tyrone n’avait pas vus.
- C’est un démon, Clark…
Il ne répondit pas, éloignant aussitôt le faisceau de la lampe.
- Entrons, dit-il simplement.
Et Clark poussa les grilles séparant Thunder Mesa des jardins de Ravenswood Manor, telles le passage entre deux monde : celui des vivants, celui des morts. Le claquement grinçant du portail se refermant derrière eux d’un coup sec fit sursauter Rosetta. Elle se retourna un bref instant sur ces grilles geôlières qui scellaient dès lors sa destinée : continuer, ne pas revenir en arrière. Elle se mit à frissonner.
- J’ai l’impression qu’elles ne s’ouvriront plus…
Clark s’était avancé de quelques pas, levant la lampe de tout côté pour s’orienter, ce qui eut pour effet de plonger la jeune femme dans l’obscurité lorsque la lumière n’était pas dirigée vers elle. Il se borna de hausser les épaules à sa remarque. Ce n’était pas une grille vermoulue avec un démon en cuivre qui empêcherait Clark Gable de quitter les lieux quand il l’aurait décidé. Il revint enfin près d’elle et désigna un escalier de pierre menant à la partie supérieure.

Les jardins avaient été, en effet, dessinés sur deux niveaux, le terrain quelque peu accidenté du promontoire ne pouvant qu’être aménagé en terrasse. La première chose que vit Rosetta fut un lion de pierre, ainsi qu’une sphère taillée sur une petite colonne dont elle ne saurait dire la matière mais qu’elle nommait bronze vraisemblablement par erreur. C’était assez joli. Elle avait déjà vu ce genre de statue dans les jardins de quelques villas, à Hollywood. Peu commun, en revanche, fut le rapace qu’elle découvrit ensuite. Vautour ? Elle ne le savait pas, mais la statue avait un air qui ne lui plaisait pas. Un air… Une statue, un oiseau de pierre, peut-il en avoir ? Elle avait une impression bizarre. Il fallut détourner son regard pour ne plus avoir la sensation déplaisante d’être suivie du regard par ce qui ne vivait pas.
- Voilà quelque chose dont je ne voudrais pas chez moi !
Clark grogna un « Moui » et l’incita à le suivre vers l’escalier majestueux faits de pierres blanches qui menait à la partie supérieure.

A gauche s’élevait sur un petit monticule une charmante gloriette d’un ton foncé et patiné par le temps, surmontée d’une lanterne ; dénuée de porte, ses côtés hexagonaux, entièrement vitrés, s’ouvraient sur le devant pour permettre l’entrée. Rosetta s’arrêta pour la contempler et Clark, voyant qu’elle n’avançait plus, fit de même pour ne pas la laisser dans le noir.
- Que c’est joli !
- C’est ce qu’on appelle un « gazebo », Rosetta ! Savez-vous d’où vient ce mot ?
La jeune femme fit non de la tête.
- D’un cri d’admiration français « Que c’est beau ! », déformé en « kasébo » et enfin « gazebo » !
Si la forme de la moustache de Clark l’avait permis, il l’aurait alors lissée entre ses doigts avec un petit air de fierté pour avoir fourni cette explication, en particulier devant le regard admiratif que lui lança Rosetta.
- Henry veut tourner une scène où Rita prend le thé dans ce gazebo. Il sera meublé d’un fauteuil et d’une petite table où il y aura une théière et quelques babioles. Bien sûr, il sera reconstitué en studio, celui-ci est en bien trop mauvais état.
- Il est pourtant si beau…
- En mauvais état. Il servira pour les scènes du manoir après la déchéance.
Rosetta était fascinée par le gazebo. Si Clark ne l’avait pas appelée pour continuer leur chemin, y serait-elle entrée ? Elle l’ignorait, mais elle en eut la tentation. Elle s’y voyait assise, laissant aux rayons d’un brillant soleil de Juin le soin de filtrer à travers les vitres. Elle voyait le thé fumant, dans sa robe sombre, versé dans les tasses de porcelaine. Elle entendait une mélodie, échappée de l’un des premiers gramophones. Elle…
- Allons, venez. Nous ne pouvons pas nous attarder…
Clark venait de la tirer d’un rêve éveillé, un rêve qui aurait pu être dangereux à en croire le frisson qu’eut la jeune femme en détachant ses regards du gazebo pour le suivre. En silence, elle gravit les marches du bel escalier à ses côtés, se détournant de ces impressions fugaces. Il restait comme une mélodie, autant qu’il pouvait en être… emportée par le vent.

Les deux visiteurs gravissaient mes marches sans peine. Elles étaient larges et parfaitement accessibles. Clark faisait cependant attention à Rosetta, veillant à ce que chacun de ses pas soient éclairés. Si elle était restée en arrière, si elle s’était éloignée, il l’aurait remarqué et n’aurait pas continué en l’ignorant, attendant qu’elle trottine pour le rejoindre dans le noir. Il comprenait qu’elle avait peur de la nuit, très peur, même, et qu’elle faisait l’effort de passer outre pour Tyrone. Il la voyait frissonner, jeter alentours des regards inquiets. Il ne pouvait que lui venir en aide.
- Oh, regardez ! Encore un « G » comme « Gable » ! s’écria-t-il soudain.
Un trait d’humour pour désacraliser l’austère majesté des lieux. Se doutant que Rosetta ne comprenait pas, il donna la solution de l’énigme :
- G comme gate, gardens, gazebo et maintenant garden pavilion !
Un pavillon se dressait devant eux. Non une gloriette comme le gazebo, mais une vaste structure de bois jouxtant la demeure sur la gauche. Une fontaine de pierre semblait exercer un étrange pouvoir sur Rosetta qui s’avança vers elle. Elle était à la fois attirée et repoussée par elle. En son centre, la statue d’un nu féminin se penchait comme pour recueillir une eau, tarie depuis longtemps. Imaginant à nouveau une mélodie ancienne, imaginant des voix susurrant à son oreille, des conversations, une garden party, Rosetta tendit lentement la main pour toucher du bout des doigts le visage de la femme de pierre. Clark la retint en lui prenant le poignet avant même qu’elle l’eut effleuré. Ce qu’elle imaginait disparut comme soufflé au loin, chimériques cendres, par la voix de Clark.
- Ne touchez pas, Rosetta. Qui sait si vous pourrez quitter ces lieux si vous touchez une chose d’ici ?
- Mais…
Les yeux pétillants de Clark lui firent cependant comprendre qu’il plaisantait.
- Mais ce n’est pas la statue du Commandeur, et ce n’est pas le manoir de Don Giovanni, reprit-elle en se ressaisissant.

Laissant derrière eux le pavillon, ils empruntèrent une galerie couverte qui le reliait à l’entrée du manoir, longeant tout un côté de celui-ci. Le plancher craquait sous le poids des ans, des pas des deux visiteurs. La balustrade de bois était belle, les lampes suspendues au-dessus de leur tête se balançaient en grinçant. La porte du manoir était enfin là. Clark la poussa à peine de la main, elle était entr’ouverte. Elle laissait deviner une petite pièce, le foyer : boiseries aux bas des murs, tendue de rose. Alors qu’il s’effaçait pour laisser passer Rosetta, Clark déclama soudain, tel un Orson annonçant une invasion martienne :

« Vous, vous qui avez osé troubler la sérénité de ces lieux... Aurez-vous le courage de franchir la porte de cette maison... ? »
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MessageSujet: Re: "Bloody Rose"   "Bloody Rose" - Page 3 EmptyVen 28 Oct 2005 - 21:56

Comtesse Rosetta a écrit:




Rosetta était fascinée par le gazebo.
»
toi comme toi comtesse
et de plus ca devient vraiment palpitant et grace atoi je revit lattraction dans les moindres details et je viens de remarquer que le nom du realisateur et le meme que celui du proprietaire des lieux .
etrange coincidence non???????
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MessageSujet: Re: "Bloody Rose"   "Bloody Rose" - Page 3 EmptyMar 1 Nov 2005 - 15:56

pumpkin man a écrit:
et de plus ca devient vraiment palpitant et grace atoi je revit lattraction dans les moindres details

Voilà, maintenant on est presque dans le manoir. cheers Un grand merci pour tout ceux qui ont patienté jusque là en attendant qu'on entre enfin !

Citation :
et je viens de remarquer que le nom du realisateur et le meme que celui du proprietaire des lieux .etrange coincidence non???????

Vi, loooool ! Mais au début je l'ai juste choisi parce que je regardais "Le Cygne Noir" où Tyrone Power fait un pirate dans des décors qui resemblent beaucoup à POTC dans la première scène. Laughing
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MessageSujet: Re: "Bloody Rose"   "Bloody Rose" - Page 3 EmptyVen 4 Nov 2005 - 19:11

celui avec un couteau a la bouche ,???
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MessageSujet: Re: "Bloody Rose"   "Bloody Rose" - Page 3 EmptySam 5 Nov 2005 - 0:38

Un couteau dans la bouche ? Comment ça ? confused
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MessageSujet: Re: "Bloody Rose"   "Bloody Rose" - Page 3 EmptySam 5 Nov 2005 - 19:14

celui qui le mor le couteau juste avant celui qui se balance ..non???
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MessageSujet: Re: "Bloody Rose"   "Bloody Rose" - Page 3 EmptySam 5 Nov 2005 - 20:05

Aah non, c'est le décor de la première scène du "Cygne Noir" qui me fait penser à POTC, pas le pirate. Dans la 1ère scène, on voit une ville espagnole en Jamaïque, de nuit. Elle se fait attaquer et ensuite les pirates partent avec des trésors et des filles. Je trouve que le décor ressemble à la ville de POTC pas seulement parce que ça se passe au même endroit dans le coin de Tortuga, mais parce que les couleurs sont dans le même ton. Wink
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MessageSujet: Re: "Bloody Rose"   "Bloody Rose" - Page 3 EmptyMar 6 Déc 2005 - 18:45

Chapitre XVII


Lentement, l’ombre s’allongeait sous la faible lueur d’une lampe torche dans les corridors du Silverspur Steakhouse, se déployait tandis que résonnaient des pas inquiétants, martelant le sol, décidés. Le plancher de bois craquait. L’ombre en même temps dessinait une sombre auréole sur les portes des chambres devant lesquelles passaient les pas. La marche ralentit soudain, la lampe fut dirigée vers l’une des portes pour en éclairer le numéro gravé dans une plaque de forme ovale. Une main apparut alors dans le faisceau lumineux, se posa sur la poignée plutôt que de toquer, hésita et se retira enfin. Ce n’était pas la bonne porte. Les pas poursuivirent leurs pérégrinations dans les sombres corridors de l’hôtel.

A présent, la lampe torche s’élevait haut sur les murs, semblant parfois lécher la tapisserie aux motifs floraux qui les couvraient mais ne passant en réalité jamais aussi près comme s’il se fut agis d’une torche qui eut pu brûler par la morsure de son baiser. La fée électricité pouvait sans risque enlacer la cloison mais elle était, entre les mains de celui qui la tenait, comme un flambeau, tel le flambeau de la Columbia tendu au bout du bras de sa dame. L’ombre ayant en sa main la lumière s’arrêta enfin devant un numéro, le numéro qu’elle cherchait. Une main d’homme parut alors dans son rayon. Trois coups furent frappés.

Derrière la porte, nul ne bougeait. La main toqua encore plusieurs fois. Cela avait été d’abord lento, puis allegro enfin presto. L’homme s’agaçait à présent, estimant que l’occupant de la chambre avait eu le temps de se réveiller. Il se mit à frapper du plat de la main jusqu’à ce que le visage ensommeillé de Henry Fonda lui apparaisse.
- Je cherche Rita, dit simplement l’homme.

Le tapage avait attirée l’occupante de la chambre voisine. Ava, en peignoir jaune, faisait preuve de curiosité. Les autres clients, installés à cet étage, n’avaient pas entendu ou bien faisaient-ils semblant, l’actrice ne le savait pas mais lorsqu’elle vit l’auteur du tapage elle fut contente que seuls Henry et elle soient éveillés.
- Glenn Ford !
Sans attendre la moindre réponse de la part l’intéressé, elle le prit par le bras et le fit entrer dans la chambre de Henry, bousculant au passage ce dernier. Plusieurs fois partenaire de Rita pour la gloire de la Columbia et le bonheur du public, Glenn pouvait se vanter d’être l’un de ses amis les plus dévoués. Comme tant d’autres, il était tombé amoureux d’elle sur le tournage de « Gilda », bien que la connaissant déjà, mais il avait accepté qu’il n’y ait rien entre eux qui s’appelle un amour autrement que fraternel. Le meilleur ami de l’actrice, pourrait-on dire, peut-être son seul ami. Désintéressé, dévoué et fidèle, le premier à s’être manifesté lorsqu’elle revint en Amérique, brisée par son mariage avec le Prince. Il était là pour la soutenir et l’écouter. Il n’avait plus dans l’idée de la séduire. Seulement être son ami. Son ange gardien. Il ne voyait pas d’un bon œil sa liaison avec Tyrone mais celle-ci persistait même après les années aussi ne tentait-il jamais de lui en faire reproche. Il n’avait jamais fait allusion à Rosetta en lui faisant voir qu’elle était certainement malheureuse de ce ménage à trois. Il ne disait rien de cela par honnêteté car lui-même avait voulu séduire Rita en dépit d’Eleanor, son épouse qu’il aimait, et d’un fils qui n’avait pas encore un an au moment du tournage de « Gilda ». Aah, « Gilda » ! Le public avait identifié les deux acteurs à leur personnage respectif. « Les hommes s’endorment avec Gilda et se réveillent avec moi ! » disait Rita. Glenn, lui, ne s’attendait pas à ce que son Johnny Farrel soit l’objet de tant d’amour et de passion de la part des Américaines.

Tandis que Henry frottait ses yeux encore gonflés de sommeil, Ava se tenait juché sur le bras de son fauteuil, une cigarette à la main. Elle regardait Glenn tourner en rond dans la chambre, lui jeter parfois un regard las. Elle-même pensive, toujours dans son peignoir jaune, soufflant des volutes de fumée tout autour d’elle, l’actrice n’avait plus rien dit depuis que la porte de la chambre s’était refermée. Personne n’avait rien dit.
- Je cherche Rita ! répéta Glenn.
Ce fut Henry qui répondit, alors qu’Ava était perdue dans sa contemplation.
- Pourquoi la cherches-tu ? Elle n’a pas dit qu’elle t’avait invité sur le tournage et je ne crois pas que tu sois l’ami d’Orson, il n’a donc pas pu te demander de faire son entremetteur. D’ailleurs il n’a pas d’amis.
- Je la cherche parce qu’avant de venir ici elle allait mal. J’aurais préféré qu’elle tourne aux studios, mais elle a voulu partir pour faire ce film. Je ne suis pas venu la chercher, mais seulement la voir, lui rendre visite.
- Bon, alors tu es allé voir à sa chambre ? Comme tu vois, l’homme qui essaie de dormir dans mon lit est un membre de l’équipe technique. Nous avons eu un incendie, la foudre est tombée. Elle a donc du partager elle aussi.
Glenn suivit le regard de Henry et vit effectivement un homme enroulé sous les couvertures.
- Bah, nous le gênons, alors, entre la lumière, la fumée et nos discussions, nous ferions mieux de sortir !
Henry n’y avait pas pensé. Il lui montrait l’homme tranquillement comme s’il parlait lui aussi de la pluie et du beau temps en pleine nuit, sans voir l’importunité de la situation. Lorsqu’il s’en rendit compte, il se confondit en excuses puis fit sortir Ava et Glenn, laissant enfin le technicien dormir en paix.

Tous trois dans le couloir, Glenn entreprit de parler à voix basse pour ne pas causer plus de désagréments.
- Rita n’est pas dans sa chambre.
- ET SI…
Ava avait parlé haut.
- Chûûût !! fit Glenn, un doigt sur la bouche.
Main aussi sur la bouche, Ava rougit comme une enfant prise en faute.
- Et si Rita était allée se promener ? Je sais qu’il pleut, mais…
- Je sais où elle est…
Tous trois sursautèrent comme surpris en train de comploter et se retournèrent aussitôt. Helen était adossée à la porte de sa chambre, bras croisés sur sa robe de chambre.
- Je sais où elle est… Elle est partie dormir dans le manoir…
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MessageSujet: Re: "Bloody Rose"   "Bloody Rose" - Page 3 EmptyMar 6 Déc 2005 - 18:46

Chapitre XVIII


Clark riait de ce qu’il appelait « sa petite plaisanterie. » Imiter la voix d’Orson était l’un de ses plaisirs mais il ne le faisait d’ordinaire qu’en secret de peur de se trahir un jour et d’oublier qu’il ne valait mieux pas se livrer à sa petite plaisanterie en présence de Rita. Chacun sait combien la moquerie est entreprise risquée, l’on peut un jour laisser échapper les surnoms ou mots que l’on ne devrait point dire devant certaines personnes. Clark aimait donc se moquer d’Orson, mais le faire en présence de l’intéressé serait suicidaire, le faire devant Rita guère mieux et devant quelqu’un d’autre, la chose peut toujours être rapportée. Il était cependant convaincu qu’il ne risquait rien avec Mrs Power. Elle avait même tout intérêt à ce que Rita soit bien avec Clark si cela permettait un jour de la détacher de son époux.
- J’aime bien ma voix grave ! dit-il en riant.
Rosetta lui sourit.
- Je dois avouer qu’elle peut-être chaleureuse, mais aussi terriblement inquiétante. Vous m’avez effrayée, tout à l’heure ! On aurait dit… On aurait dit…
Rosetta réfléchissait, ne parvenant pas à qualifier exactement l’impression que cela lui avait fait.
- On aurait dit l’une de ces émissions de radio… Vous savez ? CBS. Comme lorsque Mr Welles raconte des histoires !

Clark ne songeait plus à vanter sa voix grave – il aurait pu tout aussi bien dire « J’aime bien ma moustache ! » - non, curieusement, il pensait à Orson. Au lieu d’entrer dans le manoir, il restait dans l’entrebâillement de la porte, Rosetta sur ses talons, à regarder Thunder Mesa endormie au pied du monticule, par-delà la balustrade de bois. Orson… Parce que les premières images de « Citizen Kane » avaient donné à Clark l’impression de regarder un film d’horreur ? Il est vrai que le générique aurait pu servir pour un film avec Bela Lugosi ou Boris Karloff. Le plan dévoilant le fabuleux palais de Xanadu, avec sa musique inquiétante, pouvait faire songer au manoir des Ravenswoods. Non, c’était Rita, encore Rita qui occupait ses pensées. Malgré sa liaison avec Tyrone, malgré un nouveau mariage, malgré… Clark, la plus grande place de son cœur était dédiée à Orson. En dépit des relations tumultueuses que son premier époux avait entretenu avec elle, il était le seul qui comptât vraiment. Tyrone en était loin, bien qu’elle n’en fut point consciente, sincère lorsqu’elle lui disait que lui seul était aimé d’elle. On ne pouvait oublier Orson. Rien, ni son caractère épouvantable, colérique, cassant tout ce qui lui passait sous la main à la moindre contrariété, odieux au point d’avoir pour ennemi la moitié du globe en attendant l’autre, sa maniaquerie, son infidélité chronique et bien connu, connu pour avoir fait sa campagne électorale aussi bien dans les alcôves que dans les lieux plus appropriés lorsqu’il voulut habiter la Maison Blanche, rien, donc, ne pouvait détacher Rita de lui. Divorcés, à nouveau ensemble, leur vie était un chassé-croisé au cours duquel ils se retrouvaient et se séparaient encore. Clark savait que s’il pouvait espérer prendre un jour la place de Tyrone, il ne pourrait lutter contre l’emprise du génie wellesien. Cependant, il était prêt à se contenter des miettes qu’elle lui donnerait. Sa déesse.

Une petite main passa soudain devant les yeux de Clark. Il découvrit Rosetta, tendue sur la pointe des pieds, agiter ses doigts devant lui pour attirer son attention. Elle le faisait avec effort, être sur la pointe des pieds n’y suffisait pas tout à fait pour elle.
- Clark ? Vous ne m’avez pas répondu…
- Parson ? Vous disiez ?
- Pourquoi n’entrons-nous pas ? Vous avez ouvert la porte sans difficultés, nous sommes à demi dans l’entrée du manoir, à demi dehors.
- Oui, vous avez raison, nous allons…
Des ombres furtives, parcourant les jardins à la lueur de lampes torches, apparurent alors. Ni l’un ni l’autre ne les avaient encore remarquées.
- Vous croyez que ce sont… des fantômes ?
Rosetta, effrayée, s’agrippait au bras de l’acteur.
- Eh bien, dans un certain sens…
Des voix, les ombres parlaient ! Assez fort, étant certaines d’être seules.
- La voix de Henry ! s’écria Clark.
Les ombres l’entendirent puisqu’elles se turent immédiatement. On entendit alors courir puis le même bruit de pas précipités sur les planches de bois et… Henry, Ava et Glenn furent devant eux.
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MessageSujet: Re: "Bloody Rose"   "Bloody Rose" - Page 3 EmptyMar 6 Déc 2005 - 18:46

Chapitre XIX


De voir tout ce monde – ils étaient cinq à présent, rassurait Rosetta. Leur aide pour retrouver Tyrone et Rita était bénie.
- Bonsoir, Rosetta !
Une voix que la jeune femme aimait à entendre bien qu’elle n’en eut que peu l’occasion…
- Glenn !
Elle rougit légèrement et dissimula son léger trouble par un éclat de rire. Par chance, Ava vint à son secours. L’actrice avait bien compris que Mrs Power n’était pas insensible au charme de Glenn et qu’elle faisait tout pour le cacher.
- Ce sont nos tenues qui vous font rire, bien sûr ! Vous êtes habillée, mais moi j’ai un manteau sur mon peignoir jaune, Henry, la même chose sur son pyjama, Glenn… Ah non, Glenn est impeccable, manteau sous lequel je distingue ce qui ressemble à un costume rayé. Quant à Clark…

Le visage jusque là imperturbable de Ava se contorsionna en une multitude de petite grimaces. Spectacle curieux qui attirait l’attention des trois hommes et de Rosetta. Enfin, le fou rire contenu avec effort éclata.
- HA HA HA HA !!!!!!!!!!!!
- Tu as perdu la tête ? Je te fais rire ?
C’était pourtant une évidence et Clark n’avait pas besoin de poser la question. Le faire renforça l’hilarité de la jeune femme.
- HA HA HA HA !!!!!!!!!!!! Tu as un trench-coat mais je vois bien que c’est un pantalon de pyjama qui dépasse ! Clark en pyjama ! C’est encore plus drôle qu’Henry ! Ça me rappelle cette histoire que Don Ameche m’a raconté, d’une fois où il s’est retrouvé sur le palier, dans un hôtel, alors que des gens sortaient d’un ascenseur. Il s’était fait mettre à la porte de sa chambre, et…
L’hilarité était générale. Vexé, Clark s’en pris à Glenn qu’il n’aimait pas, jaloux d’avoir constaté plusieurs fois que Rita parlait toujours de lui lorsqu’il était question d’amitié.
- Qu’est-ce que tu as à rire, toi ?
Glenn jugea préférable d’en rester là.
- Et si nous entrions ? Nous sommes bien venus pour cela, non ?
Il ne jugea pas utile d’expliquer qu’il était à Thunder Mesa pour voir Rita, il jugeait au regard de Clark que celui-ci avait très bien compris. Quant à Mrs Power, elle avait l’air si émerveillée de le voir qu’elle n’en demandait nulle explication.

L’idée de Glenn était la bonne. Il ne servait à rien de passer la nuit dans l’entrebâillement de la porte du manoir. Cela avait eu, cependant, le mérite de mettre Rosetta plus à l’aise. Ils avaient ri et on en avait oublié combien le manoir était sinistre et combien sa vétusté pouvait être dangereuse.
- Soyons prudent, dit-elle quand même.
- Nous marcherons sur des œufs, la rassura Glenn.
- Sur la pointe des pieds, comme les domestiques chez Orson pendant que Monsieur se repose ou réfléchit ! s’écria triomphalement Clark, avant de regretter ce qu’il venait de dire.
« Mon vieux, tu as de la chance que Rita n’ait pas entendu ! Attention à la prochaine fois ! » s’admonesta-t-il pour lui-même. Il s’offrit cependant le luxe d’une nouvelle imitation à la Welles, rendant sa voix démesurée, jouant sur les tremolos :

« Allez, ne vous faites pas prier, entrez, qu’attendez-vous donc ? N’ayez pas peur, au point où vous en êtes… »

Ils entrèrent donc. Henry referma derrière lui la porte du manoir :
- Alea jacta est !

Clark s’amusait beaucoup à jouer les guides. « Je peux faire aussi bien que le joufflu à la radio, moi ! », pensait-il en exhibant ses dents dans un sourire qui eut pour effet de tendre les deux bouts de sa moustache.

« Montrez-vous en pleine lumière, que je vous voie un peu ! … Ha ha ha ha, gniark-gniark-gniark ! … Vous n’avez rien à craindre, chers amis. Allez, entrez, j’ai tellement de choses à vous faire découvrir ! »

Il n’entendit pas Glenn marmonner « C’est pas bientôt fini de jouer au fantôme, Gable ? » En revanche, Henry attira leur attention à tous sur un portrait en médaillon suspendu dans l'un des angles de la petite pièce...
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MessageSujet: Re: "Bloody Rose"   "Bloody Rose" - Page 3 EmptyMer 7 Déc 2005 - 15:14

Chapitre XX


Rosetta évoluait, fascinée, dans la petite pièce. Bien que couverte de toiles d’araignées dont elle n’aurait supporté d’entrevoir l’ombre de l’une d’entre elles, le foyer était joli, les boiseries ne semblaient pas vermoulues. Des rideaux, qui avaient dû être immaculés du temps des Ravenswoods, ornaient les fenêtres et flottaient doucement, sans doute à cause du vent qui s’était engouffré dans la pièce au moment où Clark ouvrit la porte. Le mobilier faisait défaut. Seule une cheminée et un lustre de cristal servaient d’ornement, à l’exclusion des belles boiseries de bois sombre qui contrastaient avec la partie supérieure des murs, tendus de rose.

En dépit de cette nudité, de ce sobre dépouillement surprenant quant à la splendeur des Ravenswoods, le foyer offrait bien plus qu’une petite pièce ayant pour fonction d’être l’entrée du manoir, d’accueillir tout visiteur. Une atmosphère intime émanait de ce cadre victorien et le manoir en eut paru chaleureux si l’on occultait l’inquiétante façade et la légende qui donnait naissance à « Bloody Rose ». Ces réflexions, que Rosetta se faisait en regard de la singulière attirance qu’exerçait sur elle ce lieu faussement enchanteur, trouvèrent vite une apparence plus rationnelle : c’était une entrée, un hall, ce n’était point là que l’on trouverait le splendide mobilier que l’on était en droit d’attendre dans une demeure de cette distinction. Ce devait être le domaine du majordome. La jeune femme imaginait un homme grand et maigre, tout en raideur et dignité dans son strict costume amidonné, portant des gants blancs et accueillant de la sorte les relations des Ravenswoods.

Si Rosetta avait levé les yeux vers le lustre de cristal, elle avait omis de scruter les angles du beau plafond. C’était pourtant là que trônait, majestueux et fier, l’unique témoin des occupants du manoir. Henry l’avait remarqué, à la différence des ses amis, car il s’était tout de suite avancé vers le fond de la pièce, en quête d’une porte qui leur permettrait à tous de poursuivre leur découverte des lieux puisque ni Tyrone ni Rita n’était dans le foyer.
- Regardez… Vous pensez qu’il s’agit de Mélanie Ravenswood ?
Tous s’approchèrent, suivant le regard de l’acteur. Niché dans l’angle gauche du foyer, entre le plafond ouvragé et les murs tendus de rose, le portrait d’une femme semblait les observer de quelque côté qu’ils furent. Le cadre était joli, de forme ovale ; c’était un portrait en médaillon. La mince épaisseur de verre qui le protégeait était piquée de noir, assombrie, des toiles d’araignées y étaient accrochées mais le regard pénétrant de la jeune femme perçait les ténèbres et fixait les visiteurs improvisés.
- C’est… C’est Rita… s’écria Rosetta, rompant l’étrange silence quasi religieux qu’observaient ses compagnons depuis la découverte du portrait.

L’intervention de Mrs Power eut pour effet saisissant de paraître tirer d’hypnose Henry, Glenn, Clark et Ava. Rosetta fut prise au sérieux pour la première fois sur le chapitre des ressemblances, elle qui d’ordinaire en voyait où il n’y avait pas lieu d’être et n’en aurait point vu en présence de jumeaux. Il lui était arrivé, par le passé, de croire reconnaître quelqu’un qui était un inconnu mais de ne pas reconnaître une personne pour laquelle elle aurait dû. Cela lui avait attiré de petits soucis ; connaissances vexées, « Kiiiiiiiiiii » au contraire lorsqu’elle se rendait compte qu’elle s’adressait à un inconnu. Or, donc, ses compagnons, qui savaient d’elle tout cela pour en avoir été « victime » parfois et notamment Clark que Rosetta avait un jour appelé « Don Ameche », se mirent à partager le même avis. C’était à qui reconnaîtrait le plus les traits de Rita. Clark parla des lèvres charnues, Glenn des yeux magnifiques et Henry de l’opulente chevelure auburn. Ava était d’accord sur chaque indice : c’était Rita, ou plus exactement un sosie de Rita.
- C’est amusant, elle porte un médaillon autour du cou et son portrait est lui-même en forme de médaillon ! commenta Clark.
Bon public, Rosetta rit doucement, se doutant que cela lui ferait plaisir.

La dame du portrait avait un joli visage, un doux ovale harmonieux qui pouvait expliquer le choix de l’ornement d’acajou qu’était son écrin. Le teint sans doute laiteux était assombri par le passage du temps. Le charmant minois était encadré d’anglaises auburn. Mais plus que la beauté du modèle, que l’on retrouvait en Rita, ce furent sur les yeux que chacun posa son regard. Ils ressortaient admirablement bien et paraissaient animés bien que tout profondeur de champ fasse défaut sur un tel portrait en une dimension. Doucement, perdu elle aussi, comme les messieurs dans la contemplation de la dame, ainsi que Rosetta, Ava se mit à fredonner « Cheek to cheek », une chanson de Fred Astaire qui ne provenait cependant pas de l’un des films qu’il avait tourné avec Rita. « Joues contre joues » lui était venue face aux pommettes roses que l’on distinguait par miracle sous la poussière et l’usure, pommettes de peinture. Le foyer, changé en sanctuaire l’espace des quelques minutes que dura la contemplation, le souffle coupé, de l’idole nouvelle, de l’icône aux anglaises auburn, revint à l’instant présent par le timbre de voix de Ava. Une fois de plus, chacun parut tiré d’une singulière hypnose.

Mrs Power quitta l’emprise du portrait en même que Ava, alors que les trois acteurs restaient fascinés.
- Nous devrions continuer, choisir l’une des deux portes que nous voyons là. Nous devons retrouver mon mari et Rita !
Ils se retournèrent enfin, un peu hébétés.
- La voix de la raison ! s’écria enfin Glenn.
Comme il disait cela, il s’avançait vers le mur de gauche. Les boiseries révélaient la silhouette d’une porte et semblable motif ornait le mur du fond de sorte de former un angle droit avec le portrait qui les toisait de sa hauteur.
- Deux portes, laquelle choisir ? demanda Glenn.
- Prenons celle-ci, puisque tu y es ! fut la réponse de Clark.
La porte, fondue dans les boiseries telle un décor de théâtre, s’ouvrit assez facilement. Elle n’avait point été franchie depuis fort longtemps, mais Rita puis Tyrone étaient passés. Pourtant, il eut été naturel de s’interroger sur la manière dont avait pu s’y prendre l’actrice pour ouvrir le panneau de bois, de toute évidence gonflé par le temps. Il donnait à penser qu’il était de fabrication récente. Non pour le style et la manière, mais pour l’excellence de son état quand bien même le manoir était laissé à l’abandon.
- Quelle porte étonnante ! C’est un panneau de bois qui coulisse ! s’exclama Glenn.
- On dirait que notre ami Ravenswood voulait que sa maison ait l’air bien fermée ! renchérit Clark.
Le mécanisme était ingénieux. La splendeur des Ravenswoods avait permit un équipement fait de rouages et d’engrenages et l’on ne serait étonné si l’on découvrait plus loin des structures faites de verrières et d’armatures pour soutenir la majesté du bois.

Rosetta et les quatre acteurs passèrent dans un petit salon et prirent soin de refermer la porte derrière eux…
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MessageSujet: Re: "Bloody Rose"   "Bloody Rose" - Page 3 EmptyJeu 8 Déc 2005 - 17:10

Chapitre XXI


Par réflexe, Glenn passa la main sur le mur une fois la porte franchie et chercha à tâtons le bouton magique qui permettrait que lumière se fasse, que la pièce soit éclairée de bien meilleure manière que par de simples faisceaux de lampes torches. Il se rendit compte de son erreur aussitôt.
- J’oublie que ce manoir ne peut pas avoir le confort électrique !
- Et pourquoi pas ? questionna Ava. Mr King nous a dit que la scène du Lucky Nugget saloon avait été équipée très tôt !
- Ah oui, euh, bon… Je ne sais plus si cela aurait été possible au moment de l’abandon du manoir même en y mettant le prix, je n’en sais rien, je ne sais même plus en quelle année il est supposé avoir été abandonné ! Mais peu importe, il n’y a pas l’électricité, en tout cas ! Voyons un peu ce qui nous entoure. Après tout, tout à l’heure nous avons pu voir le portrait en médaillon alors que la pièce était plongée dans le noir ! Elles ne sont pas mal du tout, ces p’tites lampes ! conclue Glenn en agitant la sienne sous le nez de ses compagnons.

C’était un salon hexagonal composé de panneaux de bois identiques à ceux du foyer mais, au lieu d’être tendus de rose, les murs étaient recouverts d’une tapisserie bleue et blanche, un motif de rayures. Rayures bleues du fond blanc ou rayures blanches sur fond bleu, voilà qui aurait prêté à pari s’il y avait un moyen quelconque de prouver ses dires. En l’absence de l’artisan qui avait posé les tapisseries, il fallait bien se résoudre à ne plus y penser. L’ensemble, comme le foyer, était dépourvu de mobilier : avait-on tout emporté ? Henry en déduisit que ce n’était sans doute qu’un salon pour accéder aux autres pièces, ou plutôt une antichambre. Les lampes portées à bout de bras révélèrent un haut plafond, peut-être à caissons mais rien n’était moins sûr. Il avait dû être blanc, ivoire peut-être. Il était recouvert d’une épaisse couche de poussière et de toiles d’araignées. Un peu plus bas en faisant descendre le faisceau lumineux du plafond, à chaque angle, étaient des gargouilles sculptées, portant chacune deux bougies. Ces chandeliers sombres, ricanants et effrayants n’étaient pas de ceux auxquels les quatre acteurs et Mrs Power étaient habitués.
- C’est très romantique ! commenta ironiquement Ava.
- Ils me font peur…frissonna Rosetta.
- J’espère que Ty n’aura jamais le mauvais goût d’en poser un comme ça sur la table pour un dîner avec toi ! C’est idéal pour couper l’appétit ! Regardez tous, avec les oreilles pointues et le sourire bizarre ! Beurk, j’aime pas !

Les portraits avaient immédiatement attiré les regards, tandis que les lampes balayaient la pièce dans tout son volume, projetant sans le vouloir des ombres qui s’entrecroisaient, inquiétantes, déformant l’ombre des gargouilles. Un salon hexagonal, une antichambre… une galerie de portraits ! De part et d’autre des chandeliers, chaque mur soutenait un tableau, délicate peinture aux tons qui avaient dû être doux et lumineux, à présent assombris sans toutefois, et cela en était étrange, perdre de sa douceur. Cela contrastait violemment avec l’impression de malaise que donnaient les chandeliers en forme de gargouilles. D’une manière quasi instinctive, les lampes torches se braquèrent sur le tableau qui leur faisait face. Clark avait exercé de nombreux métiers avant de faire ses débuts à Hollywood, il avait même était vendeur de cravates, mais la profession de « guide-à-la-Orson-avec-un-soupçon-de-Mr-Loyale » semblait beaucoup lui plaire depuis qu’il escortait Rosetta :

« Notre visite commence ici dans cette galerie où vous pouvez admirer la douceur et l'innocence de la jeunesse. »

Le premier portrait représentait une jeune fille vêtue de couleur lilas et bleue, une ombrelle orangée entre les mains. Elle était assise dans ce que l’on devinait être une barque, dans un décor évoquant les bayous, chose surprenante dans les terres arides de Thunder Mesa.
- Nous sommes loin des bayous, pourtant ! commenta l’ex Rhett Butler.
La jeune fille avait l’air sereine, le portrait était très beau. Les traits du visage, les anglaises de cheveux auburn, il ne pouvait y avoir de doute : la jeune fille du médaillon, le sosie de Rita. Seuls ses yeux étaient légèrement différents, ils n’avaient pas le même éclat magnétique. Les lampes passèrent au second portrait.

- Encore la même jeune fille ! s’écria Henry.
Elle était, cette fois, vêtue de rose, de blanc et semblait se baigner dans un cours d’eau. Le tableau ne révélait ni ses jambes si ses pieds, mais la perspective faisait voir derrière elle le lit d’une rivière et sa posture légèrement inclinée, ses mains posées sur la jupe donnaient à penser qu’elle retenait sa robe tandis que ses pieds nus étaient dans l’eau. A l’arrière plan, une demeure se dressait dans un coin. Elle rappelait la silhouette du manoir.
- Je suis sûr que c’est Mélanie Ravenswood, le rôle qu’on a donné à Rita ! reprit Henry.

C’était bien chose probable, d’autant que la jeune fille apparut une troisième fois, sur le portrait suivant. Elle était cette fois dans un jardin, devant un massif de roses rouges magnifiques. Bustier rouge, manches blanches, jupe bleue, un chapeau de paille orné d’un ruban rouge, une rose à la main, panier d'osier à l'autre. A l’arrière plan, de manière nette le gazebo et le garden pavilion où Rosetta avait été attirée par une fontaine dont la statue était couverte de mousse.
- Plus de doute ! conclut Henry.

Le quatrième portrait était le plus étonnant. La jeune fille n’y était pas seule. Un moustachu, dans une tenue de cowboy, était assis près d’elle. Il jouait de la guitare tandis qu’elle le contemplait amoureusement. Elle était vêtue de bleu pâle et de blanc. Le manoir n’apparaissait nulle part. La prairie était le décor d’un pique-nique que l’on devinait aisément à la nappe à carreaux rouges et bancs sur laquelle ils étaient assis.
- Mais… on dirait moi !! s’exclama Clark. D’ailleurs, il y a une scène de pique-nique dans le script de « Bloody Rose » ! Il y a un salon aux portraits ! Je me souviens avoir dit à Ty que Rita et moi nous tournerons cette scène aux studios parce que nous sommes l’hiver et qu’il faut être au printemps et que d’ici là nous aurons quitté Thunder Mesa ! Je sais ce qui va se passer, la nappe a l’air toute jolie, comme ça, mais en réalité elle est envahie par des insectes et des reptiles, c’est dégoûtant ! Et il y a aussi des choses qui apparaissent subitement sur tous les autres tableaux !
Glenn se mit à rire.
- Voyons, ce n’est qu’un portrait ! Le reste, c’est inventé par un scénariste pour les besoins du film. La seule chose, c’est que quelqu’un ici connaît l’intérieur du manoir, en a parlé, a peut-être écrit je ne sais quoi, des mémoires, et dedans on a décrit le fiancé de Mélanie d’après ce portrait, puisqu’il s’agit sans doute de lui, et toi on t’a engagé parce qu’il y a une ressemblance physique. Je ne trouve pas qu’elle soit si frappante, d’ailleurs, moi…
Ava et Henry se mirent à rire à leur tour, surtout lorsque Glenn se saisit de l’occasion pour se moquer de Clark, en prenant une voix chevrotante :
- Aââlôôôôrrrrrs, Mr Gâââble, on a peur des vilaîîîns portraîîîîts ?

Sans y prêter attention, la lampe dans la main de Henry, hilare, passa sur le mur suivant, celui de la jeune fille à la barque. Un cri strident de Rosetta les fit tous lever les yeux. De saisissement, les rires se turent et un silence flacé les remplaça. Le tableau semblait s’être allongé. Ils comprirent qu’ils n’avaient pas vu toute la scène, ils comprirent que la barque se dirigeait droit sur une chute d’eau, une cascade à la profondeur infinie dans laquelle la jeune fille au visage si serein s’apprêtait à basculer sans en avoir conscience…
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MessageSujet: Re: "Bloody Rose"   "Bloody Rose" - Page 3 EmptyMer 14 Déc 2005 - 15:50

Chapitre XXII


Tremblant comme une feuille, Rosetta n’osait pas regarder les autres portraits, comme s’il était évident pour elle que tous avaient changé. Les lampes demeuraient braquées sur le premier portrait, la jeune fille à la barque qu’il convenait maintenant de nommer « la jeune fille et la cascade », chacun refusant de croire à ce qu’il voyait. Comment pourrait-il en être autrement ! Comment estimer rationnel un tel phénomène ! Une peinture ne peut changer d’image ainsi !
- C’est peut-être un phénomène optique ? hasarda Henry. Il y a forcément une explication ! Un trucage, comme un cinéma ! Vous êtes sûrs que Mr King n’a pas fait aménager le manoir par les décorateurs du tournage ? On se croirait sur un plateau, il ne manque que les projecteurs, quelqu’un pour crier « Action ! » et des tas de personnes pour nous scruter quand il y a un baiser !
La nervosité de sa voix ne laissait cependant aucun doute, de même que celle de Clark qui lui répondit.
- Non. Toutes les scènes intérieures seront tournées en studios. Le manoir a été déclaré vétuste, il nous était interdit d’y entrer.
- Si nous ne sommes pas dans un décor de cinéma, alors…. ? Dans un train fantôme, je comprendrai ! Chez Orson, je comprendrai, je le vois bien installer chez lui de faux tableaux maudits faits par des trucages de cinéma, pour faire peur aux téméraires qui auraient encore l’idée d’aller chez lui ! Mais là…
- Tu as parlé de train fantôme, Henry, mais l’histoire de « Bloody Rose », qu’est-ce que c’est sinon une histoire de fantôme ?

Les deux acteurs se retournèrent brusquement, entendant gémir derrière eux. C’était Rosetta. Afin de ne pas troubler davantage encore les dames, Clark décida d’endosser à nouveau le rôle de pseudo guide du manoir.
- Hum, hum, allô, ici Orson Welles ! Je vais vous expliquer de que nous faisons dans cette pièce où je vous ai laissés au cours de l’épisode précédent !

« Hélas ! Les choses ne sont pas toujours ce qu’elles paraissent… Les murs de cette pièce, par exemple, ne s’allongeraient-ils pas, par hasard ? »

Guère plus rassurée, Rosetta songeait davantage à l’effrayante découverte qu’à l’idée d’une promenade chez Orson si jamais celui-ci avait un jour l’idée de transformer en attraction sa demeure de Carmelina Drive, où il vivait avant de s’expatrier en Europe.
- Je… Je suis sûre qu’ils ont aussi changé…
Elle parlait naturellement des autres portraits et imaginait déjà leur ombre devenue menaçante s’allonger et dévoiler quelque autre « accident » survenant à la jeune fille. Elle voulait voir autant qu’elle le redoutait, elle posa la main sur le bras de Glenn, celui qui de tous se tenait le plus proche d’elle, pour qu’il incline le faisceau de sa lampe en direction du second tableau, celui de la jeune fille à la baignade. Désormais, une créature marine faisait son apparition à ses pieds sans qu’elle se rende compte, une fois encore, du danger. Une patte gigantesque, couverte d’écailles et de griffes, s’avançait et allait d’un instant à l’autre saisir les délicates chevilles pour précipiter la jeune fille avec elle dans les abysses infernales.

Ainsi, de tableau en tableau, dans un silence glacé à peine animé par les gémissements lancinants d’une Mrs Power terrorisée, les quatre acteurs découvraient avec horreur que le peintre avait souhaité dans chacune de ses toiles que la probable Mélanie Ravenswood subisse un mauvais sort. Lorsqu’elle cueillait des roses, un squelette sortait des entrailles du massif. Lorsqu’elle pique-niquait avec son fiancé, des fourmis envahissaient la nappe à carreaux rouges et blancs, accompagnés d’un serpent de bonne taille et d’une grosse araignée. Cette dernière vision fut de trop pour Rosetta qui poussa un cri strident et cacha ses yeux entre ses mains, la tête rentrée dans les épaules, le dos en boule, comme pour échapper à ce cauchemar par le simple fait de se recroqueviller. Les lampes s’éteignirent alors, le salon était plongé dans la plus grande obscurité. Un cri de Mrs Power à nouveau, accompagné cette fois de sanglots, le cliquetis des doigts sur le bouton des lampes. Elles ne fonctionnaient plus.

Clark se souvint des chandeliers en forme de gargouille. Ils portaient encore des bougies, deux à chaque fois, ce qui en faisaient huit en tout.
- J’ai des allumettes dans la poche de mon trench, je vais allumer les bougies ! Il va falloir grimper un peu, par contre. Henry, tu me fais la courte échelle ? Nous allons trouver les angles des murs à tâtons. Oooh, pourvu que nous évitions de toucher ces horreurs de tableaux !
Sans perdre une minute, les deux hommes mirent cette idée à exécution. Ils ne savaient pas par quel tour de magie - magie noire probablement – les portraits avaient pu se transformer à moins que le manoir soit habité par un passionné des trucages du septième art, mais ils préféraient d’abord que la lumière soit avant de s’interroger sur ce phénomène. De petits bruits comiques se firent entendre, le « toc ! » de Clark se cognant dans le noir contre un mur, le « aïe ! » qui s’en suivit, les grognements de Henry lorsqu’il dut supporter le poids de son amis sur ses épaules.
- Pourquoi ils sont si haut, ces fichus chandeliers ?
Il fallut recommencer trois fois l’opération ; Henry aurait été bien en peine de porter Clark sur ses épaules de mur en mur. Enfin, le salon se trouva à nouveau éclairé d’une lueur plus blafarde encore.
- Fiat lux ! conclue Henry, triomphant, tandis que Clark descendait enfin de sur son dos.

Les portraits parurent tels que leur auteur l’avait voulu, l’ombre de chaque flamme semblant lécher les pans de peinture, les consumer non pour rendre les teintes plus chaudes, plus accueillantes, mais pour souligner tout à la fois la noirceur et le feu rougeoyant des Enfers. Les ombres rongeaient la douceur et l’innocence de Mélanie, tandis que les flammes figuraient sa chute imminente. L’huile délicate de la peinture menaçait de s’enflammer et de brûler à chaque instant. Rosetta pleurait dans les bras de Glenn. Ce dernier, en effet, avait entrepris de la réconforter tandis que Clark et Henry s’occupaient des bougies. « Chuuut, ça va aller… Tout va bien… », avait-il répété sans relâche. La jeune se calmait peu à peu. Elle crut perdre connaissance lorsque les bougies s’éteignirent d’un coup, en proie à un souffle venu de nulle part, que chacun ressentit comme un courant d’air. L’obscurité ne dura cependant pas, à peine le temps pour Rosetta de pousser un cri déchirant. Les lampes torches fonctionnaient à nouveau. D’abord, ce fut comme si une main invisible pressait à la fois les boutons de toutes sans y parvenir vraiment : la lumière, le noir à nouveau, la lumière encore, le noir, la lumière enfin. Le salon était à nouveau comme au début, les portraits, inoffensifs et beaux.

Un petit bruit attira l’attention des quatre acteurs. Rosetta venait de perdre connaissance dans un long gémissement de terreur…
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